Concepts et ratios économiques fondamentaux


“Notre objectif consiste à offrir une méthode d’analyse, des clés de compréhension valides. L’économie, en tant que science au sens allemand du terme, reste à faire […]. La multiplication de multiples connexions constitue un triomphe de la science allemande ». La « multiplication de multiples connexions » pour approcher « la complexité de la vie sociale », voilà ce qu’il y a lieu de mettre en œuvre.”

Lors même qu’une société est arrivée à découvrir la piste de la loi naturelle qui préside à son mouvement – et le but final de cet ouvrage est de dévoiler la loi économique du mouvement de la société moderne – elle ne peut ni dépasser d’un saut ni abolir par des décrets les phases de son développement naturel ; mais elle peut abréger la période de la gestation et adoucir les maux de leur enfantement.

Deux actes

Malgré de nombreuses interconnexions – souvent très étroites – entre la production de plus-value et sa vente sur le marché, ces « deux actes » indispensables au bouclage du circuit d’accumulation, ainsi que leurs contradictions, sont fondamentalement « indépendants », « non identiques », « non théoriquement liés » :ils sont différemment déterminés, l’un relevant des problèmes engendrés par l’extorsion de plus-value pour un capital donné, l’autre relevant des problèmes engendrés par la répartition antagonique du produit total entre capital et travail.

Productivité dans la sphère de la circulation

(Gouverneur)

Il convient d’établir une distinction entre les actes de circulation et les activités de circulation.

Les actes de circulation sont des actes juridiques (achat-vente, emprunt-prêt, location) assurant des transferts de droits de propriété ou d’usage sur des marchandises et/ou sur de l’argent. Les actes A → M 0 transfèrent à l’entreprise la propriété ou l’usage des moyens de production et des forces de travail (simultanément, les vendeurs des moyens de production et les salariés deviennent propriétaires de la somme d’argent payée par

l’entreprise). Les actes M 1+ → A + transfèrent à l’acheteur ou à l’utilisateur la propriété ou l’usage du produit fini (simultanément, l’entreprise devient propriétaire de la somme d’argent payée par l’acheteur ou l’utilisateur). Tous ces transferts de droits sont des actes instantanés : ils se réalisent à un moment précis du temps, moment déterminé par les parties contractantes ou par la loi (par exemple : au moment de la parole échangée, ou de la signature du contrat, ou du paiement du prix, etc.).

Activités de circulation

Actes instantanés, les transferts de droits impliquent cependant une quantité plus ou moins grande de travail, un nombre plus ou moins important d’activités diverses : ainsi, l’achat de la force de travail (réalisée au moment de la signature du contrat de travail) implique diverses activités comme l’organisation du recrutement, l’établissement des contrats de travail, le paiement du personnel engagé, etc.

De même, la vente de voitures (réalisée par exemple au moment de la signature des contrats d’achat) implique diverses activités comme la publicité, l’établissement des contrats d’achat, la facturation des ventes, l’octroi de crédit, le recouvrement des dettes, etc.

Toutes ces activités constituent les services de circulation ou activités de circulation : celles-ci peuvent être définies comme l’ensemble des activités effectuées pour réaliser les transferts de droits, ou encore comme l’ensemble des activités impliquées par les actes de circulation.

Les actes de circulation

Les actes de circulation (A → M 0 , M 1+ → A + ) ne créent ni valeur, ni revenu, ni plus-value : ils ne font que transférer des droits juridiques sur des marchandises incarnant une valeur donnée, ou sur de l’argent symbolisant une valeur donnée. Par contre, les activités de circulation contribuent à créer de la valeur, du revenu et de la plus-value : elles sont comprises dans le processus de production au sens large.

Loi de la valeur

Temps de travail

Productivité du travail – Productivity (WP)

La productivité du travail est mesurée par le rapport entre la valeur nouvelle créée NV et le nombre de travailleurs salariés WL : productivité du travail = NV / WL. Rappelons que les gains de productivité du travail sont au cœur de la loi de la valeur puisqu’ils ont pour effet de diminuer le temps mis pour produire les marchandises, donc leur valeur : « Si la productivité de l’industrie s’accroît, les prix des marchandises particulières diminue. (…) Tel est le phénomène qui résulte de la nature du mode de production capitaliste : la productivité accrue du travail entraîne la baisse du prix de la marchandise particulière ou d’une quantité donnée de marchandises… » . La productivité est donc dans un rapport inverse au temps de travail.

Capital variable

Appelé aussi « masse salariale », il désigne les salaires dépensés pour acquérir une force de travail. Il est noté : v.

Capital fixe

La capital investi dans la production, il désigne le travail passé cristallisé dans les machines. Il est noté : C.

Composition organique du capital en valeur – Value Composition of Capital (VCC)

La composition organique du capital ramène le capital constant au capital variable. C’est le rapport entre ce qui ne fait que transmettre sa valeur et ce qui en crée une nouvelle, ou entre ce qui ne produit pas de plus-value et ce qui en produit, ou encore, entre le travail passé cristallisé dans les machines et le travail présent fourni par les salariés. Il est donc calculé en ramenant le capital fixe investi dans la production à la masse salariale employée.

Ce ratio est le rapport entre le capital investi dans la production C et le capital variable v, soit la masse salariale avancée. Autrement dit, c’est le rapport entre ce qui ne fait que transmettre sa valeur et ce qui en crée une nouvelle, ou entre ce qui ne produit pas de plus-value et ce qui en produit : composition organique du capital = C / v.

Productivité du capital – Productivity of capital (PC)

Ce ratio rapporte la valeur nouvelle créée par le travail NV au capital investi dans la production. PC : productivité du capital = NV / C.

C’est une évaluation monétaire de l’efficacité du capital (ou du rendement de l’accumulation, c’est-à-dire de la croissance du stock de capital fixe) puisqu’il mesure la valeur produite NV par unité de capital C. Son évolution dépend du rapport entre les deux valeurs précédentes. Il suffit pour cela de diviser les deux termes du ratio par le nombre de salariés WL. La productivité du capital est alors égale à la productivité du travail divisée par la composition technique du capital (TCC) :

La valeur par moyen de production

C’est l’inverse de la productivité dans le secteur des moyens de production. C’est l’évolution sous forme d’indices du nombre moyen d’heures nécessaire pour produire un moyen de production. Cette valeur est obtenue en divisant l’indice du prix moyen du capital fixe par l’équivalent monétaire des valeurs (l’équivalent en dollars d’une heure de valeur créée : il est calculé en rapportant le produit intérieur net du secteur marchand au nombre total d’heures de travail prestées dans ce secteur).

L’équivalent monétaire des valeurs

C’est l’expression en dollars d’une heure de valeur créée. Il est calculé en rapportant le produit intérieur net du secteur marchand au nombre total d’heures de travail prestées dans ce secteur.

La composition technique du capital

TCC = K/WL

La composition technique du capital est le nombre de moyens de production utilisés par travailleur, ou le capital par tête. Son évolution permet de mesurer la croissance en volume des moyens de production utilisés par travailleur.

Ce ratio est estimé en rapportant le capital investi dans la production (K, calculé à prix constants) au nombre de salariés WL : composition technique du capital = K / WL. Il mesure l’intensité capitalistique des méthodes de production.

RQ : Sauf événements exceptionnels, comme lors d’une guerre ou d’une crise, ce ratio ne fait généralement que croître au cours du temps. Il existe donc bien une tendance générale à la hausse de la composition technique du capital.

Taux de plus-value – Rate of surplus-value (Rs)

Ce ratio est aussi appelé taux de surtravail ou taux d’exploitation économique des salariés. C’est le rapport entre la plus-value (s) créée par la force de travail et les salaires dépensés pour l’acquérir (capital variable, v) : le taux de plus-value = s / v. La plus-value (s) est calculée en soustrayant le capital variable (v) de la valeur nouvelle créée (NV). Le taux de plus-value peut alors s’exprimer comme suit :

Rs = (s / v)

Si l’on divise chaque terme par v, cela nous donne (NV / v) – 1. En divisant le numérateur et le dénominateur par le nombre de salariés WL, l’on peut alors faire apparaître les deux déterminants du taux de plus-value : la productivité du travail et le salaire réel :

Autrement dit : taux de plus-value = (productivité / salaire réel) – 1.

L’évolution du taux de plus-value dépend donc du rapport respectif entre les variations de la productivité du travail et du salaire réel : si la productivité du travail augmente plus rapidement que le salaire réel, le taux de plus-value augmente et inversement.

Les déterminants du taux de plus-value

La valeur totale créée se décompose en salaires (valeur de la force de travail) et profits (plus-value). Le taux de plus-value ramène la plus-value aux salaires. Comme la plus-value est égale à la valeur totale créée moins les salaires, le taux de plus-value est égal à : plus-value / salaire = (valeur totale créée – salaires) / salaires = (valeur totale créée / salaires) – (salaires / salaires) = (valeur totale créée / salaires) – 1 = (valeur totale créée / valeur de la force de travail) – 1.

Le taux de plus-value dépend de l’évolution respective de la productivité du travail et du salaire réel : si la productivité du travail augmente plus rapidement que le salaire réel, alors le taux de plus-value augmente, et inversement.

1)Plus-value (s)

La plus-value (s) est calculée en soustrayant le capital variable (v, la masse salariale) de la valeur nouvelle créée (NV).

s = NV – v

2)Salaire réel – Real wage (w)

Il correspond au nombre de moyens de consommation (biens et services) qu’un travailleur peut s’acheter. Il se calcule en rapportant, sous forme d’indices, l’évolution des salaires nominaux à l’évolution des prix à la consommation.

Le salaire réel w représente un nombre de moyens de consommation par travailleur. Il est calculé ici en rapportant le capital variable (v à prix constants) au nombre de salariés WL : w = (v / WL).

w = v/WL

3)Productivité du travail

La part salariale (la place occupée par la masse salariale dans l’ensemble du produit intérieur brut) est en quelque sorte l’inverse du taux de plus-value puisqu’elle rapporte le salaire réel à la productivité du travail. Autrement dit, la part salariale diminue lorsque les variations de productivité du travail sont supérieures à celle du salaire réel et inversement. Plus précisément, la formule vue ci-dessus peut s’exprimer comme le complément à 1 de la part des salaires : [1 – (salaire réel / productivité du travail)] (cf. démonstration infra). Elle augmente chaque fois que les gains de productivité du travail l’emportent sur la progression du salaire réel et inversement. Donc, contrairement à une idée reçue, le maintien du taux de plus-value est compatible avec une hausse du salaire réel pour autant que cette hausse soit compensée par une augmentation équivalente de la productivité du travail.

Taux de profit – Profit rate

Le taux de profit est un indicateur de la rentabilité du capital investi, il rapporte le profit réalisé au capital total dépensé. Il montre dans quelle mesure le capital se met en valeur, il exprime le degré d’accomplissement de la finalité capitaliste. Il est calculé ici de deux façons :

a) Taux de plus-value / composition organique du capital en valeur (graphique 4).

b) Part des profits x productivité du capital (graphique 5). Cette deuxième expression n’est qu’une variante de la première puisque la part des profits est une bonne estimation du taux de plus-value et que la productivité du capital reflète sa composition organique (cf. supra). Son évolution est inverse, ce qui explique le signe de multiplication (x) et non de division (/).

Déterminants du taux de profit

En décomposant tous les déterminants du taux de profit, nous remarquons que son évolution dépend fondamentalement des variations respectives des trois grandeurs suivantes : (a) de la productivité du travail, (b) de la productivité du capital et (c) des salaires réels. A nouveau ici, tant les « rapports de distribution antagoniques » (la lutte de classe) que la productivité du travail interviennent de façon centrale à tous les niveaux du circuit de l’accumulation : (a) dans l’allègement ou l’alourdissement en capital fixe, (b) dans l’évolution du taux de plus-value, (c) dans la détermination des salaires réels, etc.

La décomposition du taux de profit en ses différents déterminants fait apparaître le rôle absolument central de la productivité du travail, laquelle opère une double compensation : tant au numérateur (le taux de plus-value) qu’au dénominateur (la composition organique du capital). A l’aide des formules précédentes, le taux de profit s’écrit alors comme suit : taux de profit = [1 – (salaire réel / productivité)] / (capital par tête / productivité). Dès lors, moyennant des gains suffisants de productivité, il est possible de rendre compatibles à la fois un taux de profit et de plus-value en hausse, ainsi qu’un accroissement des salaires réels, et une diminution de la composition organique du capital en valeur.

Travail nécessaire : deux définitions

1)le travail nécessaire est le temps de travail pendant lequel le salarié crée une valeur égale à la valeur de ses moyens de consommation.

2)le travail nécessaire est le temps de travail pendant lequel le salarié crée un produit

dont la vente rapporte un revenu net égal au salaire du travailleur : ce « travail nécessaire » dépend à la fois de la productivité du travail présent dans l’entreprise et du prix de vente de la marchandise. Voir Gouverneur J., Les fondements…, p. 319-320.

Travail productif et improductif

Les salariés improductifs fournissent du surtravail au même titre que les salariés productifs. Comme dans le cas des salariés productifs, la durée de leur journée de travail dépasse normalement le temps de travail nécessaire à la production de leurs moyens de consommation. De la même manière pour les uns et les autres, il subissent le même phénomène : augmenter le surtravail des salariés productifs, c’est augmenter la création de plus-value ; augmenter le surtravail des salariés improductifs, c’est réduire le prélèvement sur la plus-value et donc augmenter le profit disponible.

Part des profits – Profit share (PS)

La valeur nouvelle créée annuellement se décompose en salaires et profits. La part des profits rapporte tout simplement la plus-value (s) à la valeur nouvelle créée NV : part des profits = s / NV. La plus-value étant calculée en soustrayant les salaires de la valeur nouvelle créée, la part des profits s’exprime alors ainsi : (NV – v) / NV. En divisant chaque termes par NV l’on obtient 1 – (v / NV). Et en divisant le numérateur et le dénominateur par le nombre de salariés WL, l’on peut faire apparaître les deux facteurs qui le déterminent : le salaire réel et la productivité du travail : 1 – [(v / WL) / (NV / WL)], autrement dit, 1 – [salaire réel / productivité du travail]. Cette part des profits évolue comme le taux de plus-value.