Puissances du prolétariat Note de lecture de Le 15 mars 1928 de Takiji Kobayashi (Amsterdam 2020)


Puissances du prolétariat

Amazon.fr - Le 15 mars 1928 - Kobayashi, Takiji, Capel, Mathieu - LivresNote de lecture de Le 15 mars 1928
de Takiji Kobayashi (Amsterdam 2020)

Comment faire le récit de la torture ? Quelle mémoire garder d’une intense période de répression ? Ce sont ces questions qui animent le récit de Takiji Kobayashi dans Le 15 mars 1928 (Amsterdam, 2020). Ce sont ces questions qui nous laissent bien souvent face à l’indicible, soit par l’intensité de la souffrance, soit par la pure et simple disparition des victimes de la répression.

Ce court roman, écrit dans l’urgence, fait le récit de la grande vague de répression qui s’abat sur le mouvement ouvrier japonais à partir du 15 mars 1928 : 1600 sympathisants socialistes, communistes, militants et syndicalistes sont arrêtés en très peu de temps. Ces arrestations font suite à une loi dite de « préservation de la paix » adoptée en 1925 et utilisée par les élites conservatrices qui voient avec inquiétude grossir les rangs du parti communiste japonais (créé en 1922 et alors toujours clandestin). Texte censuré, il faudra attendre 1951 pour que le texte soit disponible en japonais dans sa version originale. Son auteur meurt à 29 ans, en 1933, après avoir été interrogé par la police spéciale.

De ces tortures qui rendent fous, de ces sévices qui renforcent la combativité, toute la variété des déclinaisons des réactions des hommes en luttes apparaît. C’est ainsi que la faiblesse ne peut pas paraître telle ; que la folie se révèle être une voie sensée pour supporter la douleur. Présenté ainsi, il n’y a pas de héros individuels, il n’y a qu’une classe qui est elle-même un héros, autant dans ses faiblesses, ses défaites ; que dans les forces surhumaines qu’elle fait jaillir d’hommes asservis ; que dans les victoires qu’elle parvient à arracher face à la force brute et aveugle.

Seul un récit comme celui de Takiji Kobayashi peut nous communiquer cette puissance, et nous rendre figurable ce que les pouvoirs tortionnaires tentent de reclure dans les tréfonds de cellules sans lumière.

Conserver cette mémoire – plus durablement encore que les inscriptions gravées sur les murs des cellules et par lesquelles le récit se clôture – voici l’acte d’une classe qui écrit son histoire. Cette histoire, c’est celle d’une lutte de classe qui annonce une nouvelle société. Et il nous revient, comme le rappelle Marx dans sa Préface du Capital, la tâche historique d’abréger et d’atténuer les douleurs de son enfantement. Et cette tâche historique s’accomplit dans la construction d’une véritable conscience historique du prolétariat révolutionnaire.