Notes sur Richard Müller et la révolution allemande


Présentation du livre

Richard Müller, L’Homme de la révolution de Novembre 1918.

Cette biographie politique, publiée en 2008 en Allemagne nous montre un autre versant de la révolution allemande, trop peu éclairé par l’historiographie disponible sur cette époque. Loin d’un Gilbert Badia qui retrace la révolution en érigeant, comme l’a voulu la doxa du KPD, les spartakistes au rang d’acteurs principaux et d’avant-garde éclairée1, il s’agit, au travers de l’exploration de cet acteur singulier de découvrir les agitateurs de l’ombre d’un mouvement révolutionnaire, les Hommes de confiance. De ces derniers, nous en savons peu, quelques formules évasives d’un Pierre Broué, qui nous laissent sur notre faim, « … », ou de Chris Harman qui n’en dit pas plus long2.

Il est communément admis que la situation de l’Allemagne en 1918-19 s’explique par la guerre. Que c’est la restructuration de l’industrie au service de l’armement, la misère, la défiance face au gouvernement devant capituler qui est à l’origine de la vague révolutionnaire en Allemagne en 1918. Que la guerre s’explique apr l’internationalisation du capitalisme, restructurant les rapports de forces entre puissances, coloniales notamment. Pourtant, quand on a dit ça, on a pas expliqué grand chose. On court le risque aussi de tomber dans un déterminisme et de manquer le caractère dynamique du processus révolutionnaire à l’œuvre sur une période plus étendue. Nous verrons pour cela comment s’explique la guerre, quel est l’état des forces productives, des rapports de production, et les « superstructures », quel rapport des masses laborieuses aux partis les représentants au parlement, quelle représentation politique existait-il sous l’Empire (forme politique) ?

  • 1880. Fils de famille nombreuse, à Weira en Thuringe, 500 habitants.

  • EXODE RURAL : Alors qu’en 1871 un tiers des Allemands habitaient dans des villes, les deux tiers y habitent en 1910. La population, une population ouvrière dans son écrasante majorité, s’est concentrée dans de très grandes cités. On en compte, en 1910, vingt-trois qui ont plus de 200 000 habitants. Le Grand Berlin en a 4 200 000.

  • 1911 : notoriété pour la publication de deux articles sur la taylorisation de la production, concluant qu’il faut alors de nouvelles méthodes pour adapter la fixation des prix à la pièce : il faut intégrer les salariés dans cette fixation. Salaire à la baisse, fin de la qualification, augmentation cadences, mobilité. Difficulté pour travail syndical. Formation des ouvriers pour pouvoir défendre leur point de vue. Constante chez Müller : il ne suffit pas de mots d’ordre, il faut changer la manière dont on est à l’offensive.

23 octobre : Karl Liebknecht libéré de la prison de Luckau arrive à Berlin vers 5 heures de l’après-midi à la gare d’Anhalt. Il est accueilli par une manifestation d’ouvriers. (il avait été enfermé en 1916 après son appel du 1er mai « A bas la guerre ! A bas le gouvernement ! »

28 octobre : La flotte de Haute mer, mouillée à Kiel et Wilhelmshaven, reçoit l’ordre de prendre la mer. Refus des équipages.

30 octobre : arrestation de 400 marins.

Le 2 novembre se tient une réunion commune des dirigeants indépendants et des délégués révolutionnaires. Ledebour y introduit un officier du 2e bataillon de la Garde, le lieutenant Waltz, venu lui dire qu’il se mettait avec son unité à la disposition de l’état-major révolutionnaire pour une insurrection. La majorité des présents accueillent avec enthousiasme ce nouveau venu qui leur apporte force armée et matériel et rend enfin concevable une victoire de l’insurrection. Waltz est adjoint à Däumig dans les préparatifs techniques militaires et stratégiques de l’insurrection à venir. Pourtant les rapports des délégués des usines demeurent pessimistes. Sur 120 000 ouvriers que contrôle le réseau, 75 000 au plus sont selon eux prêts à répondre par la grève et des manifestations au premier appel des dirigeants. Peut-on envisager une action insurrectionnelle sans passer par l’étape de la grève générale ? Sur cette question également, les responsables sont divisés.

4 novembre : 20 000 révoltés à Kiel

5 novembre : Kiel en grève, tout le pouvoir passe au conseil de la ville.

6 novembre : 70 000 personnes à Hambourg défilent.

7 novembre : proclamation de la République des conseils de Bavière à Munich.

8 novembre : libération de RL, conseils se multiplient. Refus d’abdiquer de GII.

9 novembre : GII abdique, proclamations.

12 novembre : Le Conseil des commissaires du peuple publie son programme sous forme d’appel : liberté de presse, de réunion, de culte, mesures contre le chômage, une politique sociale, et la journée de 8 heures à partir du 1er janvier 1919.

  • 2ème phase : plus dans l’opposition aux directions syndicales, mais émergence à partir des conseils ouvriers d’entreprise.

  • Situation en Allemagne

  • Développement des forces productives

  • « …il faut expliquer cette conscience par les contradictions de la vie matérielle, par le conflit qui existe entre les forces productives socia­les et les rapports de production. » (préface à la Contribution à la critique de l’économie politique, (Zur Kritik) 1859) « dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un degré de développement déterminé de leurs forces productives matérielles. L’ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, la base concrète sur laquelle s’élève une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociales déterminées. »

  • Etat de développement des forces productives (Broué 15-17)

  • Dans les dernières années du XIX° et le début du XX° siècle, l’Allemagne a connu une profonde transformation économique. Ses ressources naturelles en charbon, la base de l’économie industrielle de l’époque, le développement démographique extrêmement rapide qui la porte, en 1913, à une population totale de 67 800 000 habitants, l’ancienneté de son développement commercial qui a accumulé les capitaux nécessaires à la révolution industrielle, l’ont en quelques décennies portées dans le groupe des pays capitalistes les plus avancés.

  • En 1913, l’Allemagne est le deuxième producteur mondial de houille. Avec une production – insuffisante, elle est le premier producteur européen de fonte et de fer. Ses mines de charbon et ses réserves de potasse lui ont permis d’accéder au premier rang dans la production de l’industrie chimique. À partir de 1890, elle est le premier État européen à s’engager sur une échelle industrielle dans l’exploitation des sources d’énergie nouvelles, le courant électrique comme le moteur à combustion. Elle est, à la veille de 1914, à la tête de la production d’appareillage électrique en Europe.

  • L’industrie minière est dominée par Kirdorf qui en 1913 contrôle 87 % de la production houillère. Le konzern de Fritz Thyssen est un modèle de concentration verticale : il possède à la fois mines de charbon et de fer, hauts fourneaux, laminoirs, usines métallurgiques. Krupp emploie plus de 70 000 ouvriers, dont plus de 41 000 dans ses seuls établissements d’Essen. Dans l’industrie chimique, la Badische Anilin emploie plus de 10 000 ouvriers à Ludwigshafen; le reste de la production est contrôlé par deux sociétés dont la fusion, en 1916, va amener la naissance de l’I.G. Farben. L’appareillage électrique est dominé par la firme Siemens d’une part, et l’A.E.G. de Rathenau de l’autre, qui emploie dans la région berlinoise 71 000 ouvriers dans dix usines. Deux compagnies maritimes, la Hamburg Amerika Linie et la Norddeutscher Lloyd, assurent à elles seules 40 % du trafic. Sauf aux États-Unis, nulle part la fusion du capital financier et du capital industriel n’a été si profonde : les banques dominent l’activité économique et 74% de l’activité bancaire est concentré dans cinq grands établissements berlinois.

  • Situation internationale :

    À partir de 1890 la Grande-Bretagne connaît les premiers signes du déclin de son hégémonie mondiale. États-Unis et Allemagne la dépassent du point de vue de la production dans plusieurs compartiments. Ses exportations sont de plus en plus exclusivement dirigées vers les pays industriellement arriérés et sur ce terrain elle se heurte à l’industrie allemande. L’Allemagne, deuxième État industriel du monde, est à peu près sûre de l’emporter dans les conditions d’une concurrence libre, mais une grande partie du monde est fermée à son expansion directe, cependant que lui est interdite, hors d’un conflit, la formation de l’empire colonial qui lui serait nécessaire. la guerre est inévitable dans la mesure où le partage du monde est terminé et où la poussée du dernier venu, l’impérialisme allemand, exige sa remise en question.

  • Structure politique

  • L’État allemand est une création très récente. Longtemps il n’a été question que « des » Allemagnes. Le mouvement des nationalités qui a bouleversé l’Europe au XIX° siècle a semblé en 1848 entraîner l’Allemagne dans la voie de la réalisation révolutionnaire de son unité nationale. Mais la bourgeoisie allemande n’avait ni l’audace ni la confiance en ses propres forces de la bourgeoisie française de 1789. Menacée par le mouvement prolétarien qui s’esquisse à l’extrême-gauche du mouvement démocratique, elle préfère sa sécurité derrière le rempart de l’État monarchique à l’aventure populaire et démocratique. Entre le libéralisme politique et les profits que lui assure l’unification du pays sous la poigne prussienne, elle fait son choix.

  • L’unité allemande s’est édifiée dans les années 1852-1857 « sur le charbon et sur le fer », mais c’est l’armée prussienne dirigée par Bismarck qui l’a inscrite dans la réalité des frontières et du droit. La Prusse a ainsi marqué l’Allemagne unifiée de l’empreinte de son double visage, celui de la bourgeoisie triomphante, plus absorbée par la recherche des profits que par les « jeux stériles » de la politique, et celui des hobereaux de l’Est, les junkers casqués et bottés dont l’arrogance et la force militaire font trembler l’Europe depuis les années soixante.

  • Ce double visage est inscrit dans la complexité de la Constitution impériale. Le Reich n’est pas un État unitaire, mais un État fédéral, formé de vingt-cinq États – de la Prusse qui a plus de la moitié de la population, les neuf dixièmes des ressources minières et de la métallurgie, à de petites principautés de 50 000 habitants (…) Chacun a ses assemblées législatives, chambre haute, désignée, chambre basse, élue. Le système électoral varie d’un État à l’autre : le Wurtemberg a adopté le suffrage universel, le pays de Bade donne le droit de vote à qui est en règle avec le fisc. En Bavière et en Hesse, on vote quand on paie un impôt. Le Landtag de Prusse est élu par le système compliqué des « classes » groupant les électeurs suivant leur fortune : il donne, en 1908, à Cologne, autant de pouvoir électoral à 370 électeurs riches de première classe qu’aux 22 324 électeurs de la troisième – ou encore à ce M. Heffte, fabricant de saucisses et unique électeur de première classe dans la 58° section de Berlin en 1903, le droit de constituer une classe à lui seul.

  • Le gouvernement impérial est compétent dans les affaires communes : affaires étrangères, armée et marine, postes et télégraphe, commerce, douanes, communications. L’empereur, qui détient des pouvoirs très étendus dans le domaine de l’exécutif, délègue ces pouvoirs à un chancelier d’empire, responsable devant lui.

  • La Prusse demeure le bastion d’une aristocratie guerrière de junkers. Le corps des officiers est une caste orgueilleuse de guerriers en qui se concentrent l’arrogance du féodal et la supériorité du technicien, personnellement inféodés à l’empereur, convaincus d’être les dépositaires d’une mission sacrée de défense de l’État. Les junkers y constituent l’écrasante majorité des cadres supérieurs et leur mentalité fait loi dans la hiérarchie militaire. Il en va de même pour la bureaucratie impériale. Les fonctionnaires fédéraux sont en majorité prussiens, coulés dans le même moule que les chefs militaires, dont ils ont la conception de l’autorité. C’est à cette caste que l’empereur peut remettre une autorité sans partage en décrétant l’état de siège, qui suspend toutes les libertés et garanties constitutionnelles et institue une véritable dictature militaire. C’est la situation en Allemagne en 1918.

  • Contradiction entre forces productives et structures politiques : Conditions historiques dans lesquelles a lieu le rapport de force capital/travail. En réalité, cette structure politique est, par rapport à l’évolution sociale, un énorme anachronisme : une de ces contradictions qui dictent des révolutions.

  • Situation révolutionnaire : « Le mot d’ordre des « conseils » devient une force matérielle, repris par des millions d’hommes » : p.136 : Marx : Préface de la contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, p.25 : « Il est évident que l’arme de la critique ne saurait remplacer la critique des armes ; la force matérielle ne peut être abattue que par la force matérielle ; mais la théorie se change, elle aussi en force matérielle dès qu’elle pénètre les masses. »

  • De nouvelles formes d’organisation : C’est une période foisonnante en termes de formes d’organisation, en multpilication d’acronymes dirait certains. Conseils, délégations, comités d’action. Ligne de fracture entre organisation économique et politique : naissance du concept d’organisation unitaire, le parti comme tel. Première forme de l’organisation unitaire : les DR, pas une pratique syndicale séparée d’une pratique politique. Cf grève générale/grève de masse.

  • Origine et formation des DR (2 phases)

  • DR : Les délégués révolutionnaires sont les créateurs et membres d’une organisation d’opposition qui s’implante pendant la guerre essentiellement dans la métallurgie, et surtout à Berlin. Elle est une force d’opposition au sein d’un syndicat, donc tout d’abord une tendance, puis devient une force politique, sans être une organisation officielle. Ils organisent la première grève de masse (X grève générale) en janvier 1916, puis 28 juin. C’est grâce à leur activité intense qu’on arrive en l’espace de quelques mois, à mobiliser 50 000 ouvriers à Berlin pour la libération de Karl Liebknecht. Tout ne résulte pas seulement de leur action, et c’est cela que nous montre le livre : en quoi les circonstances historiques (industrie de guerre, Burgfrieden, crise de ravitaillement, révolution d’Octobre en Russie, etc.) ont aidé ou ont été des obstacles au mouvement révolutionnaire ; le niveau de conscience et de combativité de classe ; et l’activité intense et risquée des Délégués révolutionnaires, des membres de la Ligue Spartacus, s’articulent les unes les autres.

    Réapparus pendant les grèves d’avril 1917, puis lors des grèves de janvier 1918, les Revolutionäre Obleute sont des hommes en opposition avec les centrales syndicales dont ils estiment qu’elles ont « trahi » la classe ouvrière. L’organisation est alors des plus radicales, notamment parce qu’ils rompent avec la division dans l’organisation syndicale traditionnelle selon les métiers. Plutôt que de la transformer, ils supplantent la pratique syndicale. Elle est abandonnée, non pas « remplacée ». Syndicalisme dur, mais réformiste à ses débuts, à la différence par exemple des AAU (Union générale ouvrière) qui, elles, maintiennent des positions résolument révolutionnaires.

  • Existence non officielle jusqu’en décembre 1918 où déclaration de presse. Avant, ils ne feront qu’un travail de propagande, d’organisation et d’agitation. X Liebknecht : avoir un retentissement public, alors que DR, militer dans l’ombre.

  • On peut résumer leurs activités politiques ainsi : l’achat et la cache d’armes, la diffusion de tracts, l’organisaiton de grèves, l’organsiation de comités d’action, la coordination nationale et internationale dans des réseaux de confiance en méfiance des structures et politiques et syndicales.

  • RM et DR

  • Parmi les Délégués révolutionnaires, RM occupe une place particulière. Ce qui n’était jusqu’alors qu’un rôle majeur au sein de cette organisation, devint tout à coup publique lors du congrès de la DMV du 27 au 30 juin 1917. RM se retrouve alors à la tête de l’opposition au sein du syndicat, c’est une opposition qui a atteint cohésion. Cette importance est confirmé en dehors du syndicat le 28 janvier 1918 : 400 000 ouvriers en grève. 414 délégués se réunissent à la Maison des syndicats, président : RM. Revendications radicales. Comité d’action qui en sort est déclaré illégal le soir même.

  • D’une organisation clandestine de résistance, les DR étaient arrivés en Novembre 1918 aux plus hautes fonctions gouvernementales : RM président du Conseil exécutif, organe suprême des conseils, Müller était chef de l’Etat, en théorie, parité dans la représentation. CE : CE du conseil des travailleurs et des soldats du GB. CE représentait provisoirement tous les conseils révolutionnaires d’Allemagne et aussi sur le Conseil des commissaires du peuple. Autorité jusqu’au 1er congrès des conseils (16 décembre 1918). En fait, CE est paralysé : le SPD arrive à faire passer des mesures contre révolutionnaires. Ensuite, réélu président du CE le 16 décembre, mais compétences limitées au GB mais aussi plus parité mais proportionnelle dans la représentation.

  • Fervent partisan du système des conseils contre l’Assemblée nationale. Système des conseils est une structure d’un nouvel Etat, débat virulent le 16 décembre.

  • Les conseils

  • Expansion de la révolution : La révolution se répand à l’intérieur du pays selon un scénario similaire à Hanovre, à Cologne, dans la Ruhr etc. : des soldats et des marins arrivent dans une ville, neutralisent la garde de la gare, occupent des bâtiments publics, libèrent les prisonniers politiques et parfois les prisonniers de guerre, font élire un conseil de soldats.

  • 1er conseil ouvrier d’Allemagne : Leipzig avril 1917, comité de grève qui revendique avant tout la paix, puis ensuite mutineries de 1917 dans la flotte de la Baltique. Ensuite, surtout la grande grève de janvier 1918. 400 000 ouvriers en grève, se dotent d’un conseil, le Conseil ouvrier du Grand Berlin et du slogan « la paix, la liberté, du pain ». Essentiellement spontanée, pas provoqué par les organisations, composé de délégués de diverses entreprises.

  • En été 1918, récupéré par les organisations, on voit apparaître le mot d’ordre « tout le pouvoir aux Conseils d’ouvriers et de soldats » dans les tracts spartakistes. En novembre, environ 10 000 conseils en Allemagne.

  • Dans l’ensemble, 40 à 50 % des délégués dans les conseils appartiennent aux classes moyennes. Si l’on fait intervenir la profession des parents, on constate une tendance au déclassement. Comme les DR, les conseils sont porteurs de mots d’ordre réformistes et démocratiques, prenant ainsi la relève des syndicats qui ont abandonné cette fonction. Ils sont à majorité social-démocrate de droite : réformistes, inoffensifs envers partis bourgeois.

  • Semblables à des comités de salut public : Tâches des conseils : 1)pourvoir aux besoins alimentaires, lutte contre le marché noir, débusquer les réserves, procurer du matériel de chauffage et des vêtements, par la perquisition notamment de dépôts civils et militaires, 2)Démobilisation, pourvoir des emplois (bureaux de travail, conseils de chômeurs) 3)Maintien de l’ordre.

  • « ils se conçoivent comme des organes de transition dont la raison d’être disparaît avec la convocation d’assemblées élues au suffrage universel. C’est pourquoi le congrès des conseils vote massivement pour une date rapprochée (le 19 janvier) des élections à l’assemblée nationale, signant ainsi leur arrêt de mort. » (C. Weill).

  • Prennent comme fonction de remplacer l’Etat avant son retour, empêcher le développement naturel du cours révolutionnaire. C’est pourquoi les camps se divisent autour de la question de l’Assemblée constituante. Deux congrès nationaux, décembre 1918 et mars 1919. Mot d’ordre général « Heraus aus den Gewerkschaften ! » (Sortons des syndicats !) : introduction de la notion « d’organisation unitaire », plus de coupure entre parti et syndicat, entre organisation politique et économique.
  • Il est impossible de réunir tous les producteurs du monde pour prendre des décisions globales afin de satisfaire les besoins humains. Ce problème de la coordination sociale globale est celui auquel les conseils ouvriers tentent de répondre : esquisse du socialisme, au sens où pas organes dirigeants mais destinés à confronter des positions différentes pour aboutir à décisions communes. De cette manière production asservie aux désirs et besoins des hommes (CO, 15).

  • A partir d’octobre 1918, appel lancé par spartakistes et communistes de Brême pour constitution de conseils.

  • Postérité des conseils : le conseillisme

  • Fétichisation de la forme-conseil, idéologie autogestionnaire, spontanéisme, anti-bureaucratique. Une telle biographie politique permet de déconstruire efficacement une conception spontanéiste du mouvement révolutionnaire, les DR montrent tout le travail de propagande, d’agitation et d’organisation en amont.

  • Le capitalisme moderne ne peut fonctionner sans l’approbation des travailleurs et leur adhésion (CO, 21). Alors « si on pouvait laisser aux travailleurs le degré d’initiative nécessaire pour le bon fonctionnement » de l’entreprise, ce serait pour le bonheur du capital. Donc « Tout est dans ce degré ». Mais on ne peut jamais définitivement intégrer un travailleur à une activité dont la décision et la finalité finissent par lui échapper totalement.

  • Préparer l’insurrection :

  • 6 janvier : révocation d’Eichhorn. Müller n’arrive pas à la faire refuser. Après cela, dissolution des DR.

  • Approfondissement avec Däumig de la théorie des conseils ouvriers. Jusque-là que contrôle ouvrier dans l’entreprise et socialisation des industries-clés. Dans le journal Arbeiter-Rat, fondé en février 1919 par Däumig. « Conseillisme intégral », adopté le17 janvier 1919 par l’AG des conseils ouvriers du GB. Unification et systématisation des structures existantes, programme de transition socialiste. Désamorcer assimilation avec les soviets de Russie. Triple fonction du système : organisation de la revendication ouvrière, cadre transitoire à la socialisation et au socialisme ainsi que préfiguration d’une économie socialiste planifiée.

  • Grève de mars (du 3 au 6) : Pas de coordination nationale. RM tente de maintenir l’unité, en intégrant au comité de grève le SPD, ayant l’espoir qu’à la base surgirait une tendance de gauche. Ceci lui sera reproché, alors qu’ainsi, il suivait sans relâche le même mode argumentatif : procéder par démonstration ad hominem (X ad personam), mettre devant leurs contradictions les dirigeants du SPD.

  • Tenter de faire inscrire dans la constitution les conseils en leur conférant les prérogatives les plus larges possibles.

  • 1920 : KPD/historien. Dans l’opposition au KPD, conflit sur la stratégie, notamment concernant les combats de mars 1920, aventurisme, risques inconsidérés. Müller toujours celui qui dit « ce n’est pas le moment » ou « c’est trop dangereux ». Ensuite, à la direction de la DIV (organisation unitaire (rassembler les corporations ouvrières dans chaque branche industrielle) et syndicat de combat). Après 1928 plus rien.

  • Müller n’a rien de la figure d’un révolutionnaire à la ligne fixe et radicale, sa radicalité mûrit avec le mouvement révolutionnaire. Il n’a pas le charisme d’un Liebknecht, la plume d’une Rosa Luxemburg. Il a par contre la faculté de gérer les réunions de révolutionnaires, d’assurer toute la partie logistique et de préparation qui constitue le rouage essentiel de la transformation d’une situation insurrectionnelle à une situation révolutionnaire au sens où remise en question de la forme-valeur par auto-organisation. L’échangeabilité n’est possible que parce que ces marchandises-produits sont commensurables, qu’elles sont en interaction entre elles en terme de quantités, sans égard aux besoins, ni à leur(s) qualité(s). Elles peuvent donc devenir des médiatrices des rapports humains. C’est possible, mais ce n’est pas nécessaire. Elles peuvent avoir d’autres formes que la forme-valeur. Ce caractère est social parce qu’il est aussi médiation de rapports sociaux. Et puis, maintenant, parce qu’il tend à en être le seul. C’est ceci qu’on appelle la forme-valeur et qui est remise en question dans une situation révolutionnaire, quand au centre, la question de l’organisation de la production, intégrant le rapport de force dans l’échange. La forme-valeur n’est ainsi pas la seule forme de médiation des rapports sociaux, elle n’est plus totalisante. Mais pourtant elle existe encore et cette rupture dans l’organisation de la production n’a peut-être que contribué à mieux structurer le capital et restructurer les forces contre-révolutionnaires.

  • Elle ne lui fait pas perdre de vue qu’il faut rester au plus proche de la conscience de classe du prolétariat. Il perçoit aussi comme une nécessité de faire participer le SPD, alors que celui-ci est le fossoyeur de la révolution. Stratégie sous-tendue par l’argumentation ad hominem. Par l’espoir que le parti qui est encore considéré par les ouvriers comme celui qui les représente subisse un changement d’orientation par la base. Mais les vieux loups de la politique arrivent à endormir les ouvriers et les délégués qui se forment encore à la politique politicienne, aux petites stratégies, à la rhétorique, etc. RM est convaincu que c’est par cette pratique et pas autrement, comme pour la formation des ouvriers à l’argumentation technicienne sur le prix des pièces, que les ouvriers prennent en main la production.

1Dans le chapitre du livre Histoire de l’historiographie, l’auteur retrace la manière dont le KPD fait disparaître les Délégués révolutionnaires de l’histoire officielle, en ce qu’il s’agit alors de construire un mythe autour de deux personnages, Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, membres actifs de la Ligue Spartacus. Cette tradition a été reprise par les léninistes et les trotskystes en France, voir Gilbert Badia, Les spartakistes, ou encore dans une certaine mesure, Chris Harman, La révolution allemande,.

2Broué : p.113 : le 28 janvier 1918, on apprend qu’il y a 400000 grévistes au matin à Berlin. Pour Pierre Broué, on explique ce mouvement large par les tracts rédigés par Spartacus, et par l’appel lancé par les membres de l’USPD. La réalité est un peu plus subtile. Cet appel, Richard Müller avait relayé que les ouvriers souhaitaient qu’il soit lancé par l’USPD. Après de dures négociations (le parti ne souhaitant pas être interdit pour cela), il est convenu que ce seront les députés qui le signeront. Cependant, deux jours plus tard, la mention de grève générale disparaîtra de l’appel. Voir Broué p.112.